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6 juin 2011 1 06 /06 /juin /2011 15:06

LA POLITIQUE ETRANGERE AMERICAINE

 

 

La liberté et la paix sont nos objectifs principaux, et l’évolution naturelle des choses est favorable à ce que nous les atteignions.

Editorial du magazine « LIFE », 27 mars 1944

-x-

 

Est-il possible d’inscrire sur une seule feuille de papier une déclaration relative à ce que devrait être une politique étrangère américaine ? Nous allons tenter de le faire ci-après.

Au printemps de 1944 ce qu’il y a de plus clair en matière de politique étrangère américaine, c’est que l’Amérique n’en a pas. Ou si elle en a une, elle est si obscure qu’il est difficile de trouver deux membres du cabinet du Président d’accord sur son contenu.

Une politique étrangère digne de ce nom – c’est-à-dire qu’une large majorité d’un peuple de 1 300 000 habitants soit capable de comprendre et de soutenir du fond du cœur – doit à l’évidence être formulée en termes relativement simples. Pour commencer, cependant, il est nécessaire d’abandonner l’idée fausse selon laquelle la politique étrangère est distincte de la politique intérieure. Il est tout à fait simpliste de la part des gens de dire, comme on l’entend, qu’ils sont CONTRE la politique intérieure de Roosevelt et Wallace, mais EN FAVEUR de la politique étrangère Roosevelt-Wallace.

Toute tentative de formuler une vraie politique étrangère américaine implique certains choix en politique intérieure.

Dans ce qui va suivre, les choix de politique intérieure sur lesquels repose la politique étrangère qui va être exposée peuvent être résumés ainsi : le peuple américain propose de conserver un gouvernement constitutionnel, propose de continuer à jouir de la liberté qu’il connaît sous le nom de « Droits civils ». Sa façon de gagner sa vie reste caractérisée par la libre entreprise et le droit pour chacun d’être propriétaire et de disposer à sa guise de ses biens. Et pour sa paix personnelle, chacun se fie à la conscience, la bonne foi et la bonne volonté de tous.

Ce sont là d’importants engagements. Mais sans eux, l’expérience américaine, la meilleure au monde jusqu’à présent, perd son sens.

QUELQUE CHOSE QU’IL FAUT SE METTRE DANS LA TETE

Le temps est maintenant venu – de l’avis général – de nous mettre une bonne fois dans la tête quelque chose qui s’appelle « Politique étrangère ». Et cette politique étrangère doit refléter ce qui, au cours de l’histoire et encore aujourd’hui, anime notre République.

Nous commençons, donc, par énoncer deux objectifs essentiels d’une politique extérieure américaine :

1- L’objectif cardinal d’une politique étrangère américaine est de maintenir la liberté en Amérique. A partir du moment où tous les membres de la famille humaine sont devenus si étroitement interdépendants, les chances de conserver à l’Amérique sa liberté reposent sur le lien étroit entre le maintien et la diffusion de la liberté partout ailleurs. Nous ne sommes pas stupides au point de prétendre imposer la liberté aux autres. Mais nous voudrions qu’il soit compris par tous que nous sommes favorables à la liberté politique et défavorables à la tyrannie politique, où que nous la rencontrions. Et que nous agirons en accord avec cette vision des choses.

2- Le deuxième but de la politique étrangère américaine, c’est la Paix. C’est le second, et non le premier, parce que nous ne sommes pas disposés à vouloir « la paix à tout prix, ou à n’importe quel prix ». Très précisément nous ne voulons pas la Paix au prix de la perte de la Liberté. Et nous n’utiliserons pas de raccourcis sournois qui sous prétexte de gagner du temps vers la paix, en réalité mettraient en danger toute paix future. Mais nous voulons la Paix – et après cette guerre nous avons bien l’intention de l’obtenir – pour une durée significative.

Voilà pour ce qui concerne les objectifs généraux de notre politique étrangère. Il serait souhaitable qu’ils soient clairement compris par nous et par tous les hommes. La liste des objectifs peut s’étendre à l’infini, mais il ne s’agit pas d’en faire un catalogue de commande par correspondance à la maison « Utopie ». Soyons, à tous égards, audacieux quant à nos buts, mais conservons néanmoins notre jugement. Ayant déterminé nos objectifs, notre réflexion doit se concentrer sur les politiques à adopter, pratiquement, pour les atteindre.

Pour atteindre des buts raisonnables, aucun pays n’a jamais disposé de circonstances aussi favorables que celles que nous connaissons. Si à ces circonstances nous ajoutons de l’intégrité et de l’intelligence, nos chances d’atteindre nos objectifs raisonnables deviennent bonnes.

En tant qu’éléments de base d’une politique concrète, on peut adopter les suivants :

1- les Etats-Unis vont maintenir une posture militaire puissante après la guerre – au moins aussi puissante que celle de n’importe quelle autre nation. Des expériences de « gestion politique internationale » peuvent être conduites en sachant que la durée minimale pour que ces « expériences » puissent évoluer en institutions fiables est de vingt ans.

2- les Etats-Unis vont user de toute leur influence pour mettre sur pied une Organisation mondiale. Le premier objectif d’une telle organisation du monde sera de définir une « Loi internationale ». Nous savons que dans notre propre pays nous ne pouvons pas disposer de la liberté s’il n’y a pas de loi. Nous ne pouvons pas vivre dans des conditions de sécurité satisfaisantes à l’abri de nos propres lois dans un monde qui n’en aurait pas. En conséquence, même si l’Organisation mondiale peut entreprendre d’autres tâches tout aussi utiles, son intérêt principal, pour nous, sera la mise en vigueur de la Loi internationale. Par notre adhésion à cette loi nous serons heureux d’être liés aux autres nations qui elles-mêmes y adhèreront.

3-les Etats-Unis vont s’employer activement à une coopération mutuelle, à l’avantage de tous, avec toutes les nations du monde. Nous n’établirons d’alliance générale ou permanente avec aucune nation, mais c’est avec plaisir que nous nouerons des liens, dans des domaines limités et particuliers, pour des raisons limitées et particulières.

Du moment que nous cherchons à établir des relations amicales, honorables et solidaires avec tous les hommes et toutes les nations, il est presque inconvenant de privilégier certains pays dans nos relations étrangères. Mais trois puissances sont communément reconnues comme nos alliés les plus importants dans cette guerre. Dans leur ordre d’entrée en lice, ce sont : la République de Chine, la Grande-Bretagne, l’Union soviétique. A l’égard de chacun de ces alliés existe déjà une attitude américaine bien définie, qui peut être formulée de la façon suivante comme base de notre politique étrangère :

A) L’apparition d’une Chine forte et unie, comprenant toutes ses provinces légitimes, est la clé de voûte de la politique américaine en Extrême-Orient. De toutes les façons convenables nous souhaitons favoriser l’accès de la Chine à son unité et progressivement à la liberté. (Jusqu’à présent, nous avons dangereusement négligé cette politique fondamentale).

B) « Un comportement parallèle » dans les affaires du monde, des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne est essentiel à un progrès régulier. Mais les intérêts et les idées des Américains et des Britanniques, quelque proches qu’ils soient, sont loin d’être identiques. Il doit y avoir entre les deux pays des échanges préalables à la mise en œuvre de politiques « parallèles ».

C) L’Union soviétique est pour la plupart des Américains la grande inconnue. En réalité ils ignorent si l’amitié avec la Russie peut être solidement fondée sur des principes qu’ils considèrent justes, humains, et équitables. Nous désirons une amitié ainsi établie, mais elle n’est pas encore réalisée.

 

LE PRINCIPE FEDERAL

Parmi les nombreux problèmes qui se posent à l’humanité, deux d’importance majeure requièrent un traitement par de véritables hommes d’état. Il s’agit de :

1. L’Europe. C’est un fait, il ne s’agit pas d’une accusation portée à son encontre, l’Europe a été dans notre époque le terreau fertile de guerres mondiales. La paix du monde restera menacée tant que l’Europe n’aura pas réalisé la stabilité en son propre sein. Les seuls plans élaborés jusqu’à présent qui pourraient nourrir un espoir raisonnable de paix stable en Europe sont ceux reposant sur l’application aux pays d’Europe du principe fédéral. Les Etats-Unis doivent, en conséquence, proposer de contribuer à l’établissement d’une sorte de Fédération Européenne*.

2. Les pays colonisés. La participation américaine aux affaires du monde impose naturellement une responsabilité directe ou indirecte des Etats-Unis à l’égard des populations coloniales ou semi-colonisées. La seule base à partir de laquelle les Etats-Unis peuvent admettre une responsabilité dans le destin des peuples colonisés est qu’ils comprennent que ceux-ci doivent avoir la possibilité d’accéder à la maîtrise de leurs propres affaires aussi rapidement que possible.

 

S’il y avait encore à écrire sur ce sujet, la page serait remplie d’une liste de problèmes mondiaux, économiques et technologiques, méritant chacun que les Etats-Unis s’en occupent. Aviation, commerce maritime, relations internationales, monnaie, agriculture mondiale, n’en sont que quelques-uns. Chacun mérite une connaissance approfondie et des initiatives courageuses. Chacun peut contribuer à la création d’une prospérité plus grande et mieux répartie. Notre progrès en tous domaines sera rapide et sûr lorsque nous aurons établi fermement, chez nous et à l’extérieur*, les composantes fondamentales de la politique américaine.

*

les italiques sont mises par le traducteur  

 

Amiral Michel Debray

 
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